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droits de l'homme - Page 3

  • La mémoire perdue...

    Les éditions Dualpha viennent de publier un essai de Richard Dessens intitulé L'Europe chrétienne ou la mémoire perdue. Docteur en droit et professeur en classes préparatoires, Richard Dessens a notamment publié La démocratie travestie par les mots (L'Æncre, 2010), Henri Rochefort ou la véritable liberté de la presse (Dualpha, 2017) et La démocratie confisquée (Dualpha, 2018).

     

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    " La première grande migration des idées vers l’Europe fut celle du christianisme, qui mit dix siècles à s’imposer et à investir les valeurs et les esprits européens en détruisant leurs racines naturelles dans le sang de massacres successifs. Son premier fils, l’humanisme, suivi de son puiné, le libéralisme, entourèrent la naissance de leur fille cadette, la démocratie moderne. Tous se penchèrent enfin sur le berceau du petit dernier : l’individualisme et ses avatars droits-de-l’hommiens.

    Ce parent extra européen de la première mixité imprégna de son manichéisme du Bien et du Mal chrétiens, l’homme européen ; le détourna de la Nature et de ses valeurs identitaires, en supprima les liens sacrés et nourriciers ; fit de l’homme européen le symbole de l’asservissement des peuples au nom du Christ rédempteur et nivelant, puis en celui de sa nouvelle religion continuatrice des Droits de l’Homme.

    Il fit de la liberté naturelle de l’homme-citoyen une seule espérance castratrice de sa liberté dans une vie meilleure au Royaume de Dieu, au mépris de la Terre, vallée de larmes, et sa Nature hostile dont le seul objet est de servir l’homme destructeur.

    Le lent poison du christianisme et de ses enfants aux visages d’anges tentateurs, a détruit l’homme européen et répandu les germes de la discorde dans le monde, au nom de valeurs originelles qui ont muté progressivement jusqu’à faire de chaque homme un Dieu, à condition qu’il souscrive à la nouvelle idéologie religieuse des Droits de l’Homme, et une incarnation du Mal s’il ose y résister, s’il s’accroche à ses valeurs identitaires, s’il refuse la grande mixité de la race humaine cosmopolite voulue par Dieu. "

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  • La loi naturelle et les droits de l'homme...

    " C’est ainsi qu’au nom du principe des droits humains, on veut interdire aux nations de prendre les lois qu’elles jugeraient éventuellement utiles ou nécessaires pour préserver ou encourager la vie et l’éducation communes qui donnent à chacune sa physionomie et sa raison d’être. Ce n’est plus aux cités de déterminer qui sera citoyen et à quelles conditions, puisque chacun désormais est supposé avoir le droit de devenir citoyen de la cité qu’il choisit. Quelle que soit l’institution, pourrait-on dire, tout individu a le droit inconditionnel d’en devenir membre – inconditionnel, c’est-à-dire sans avoir à se soumettre aux règles spécifiques – à la « loi » – qui règlent la vie de cette institution, ou en ne s’y soumettant que de la manière la plus approximative et pour ainsi dire la plus dédaigneuse. Qu’il s’agisse de la nation, de la famille ou de l’université, l’institution ne saurait légitimement opposer sa règle à l’individu qui invoque son désir ou son droit, les deux tendant à se confondre désormais (…) ce « droit » est compris d’une manière de plus en plus extensive, en vérité d’une manière proprement illimitée : non seulement comme le droit de « tout avoir » mais, de manière plus troublante encore, comme le droit d’être tout ce que nous sommes ou voulons être. "

     

    Les PUF viennent de publier un essai de Pierre Manent intitulé La loi naturelle et les droits de l'homme. Directeur d'études à l'EHESS, membre fondateur de la revue Commentaire, Pierre Manent est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages de philosophie politique, parmi lesquels Cours familier de philosophie politique (Fayard, 2001) et Les métamorphoses de la cité (Flammarion, 2012).

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    " La doctrine des droits de l'homme est devenue l'unique référence légitime pour ordonner le monde humain et orienter la vie sociale et individuelle. Dès lors, la loi politique n'a plus d'autre raison d'être que de garantir les droits humains, toujours plus étendus. La loi ne commande plus, ne dirige plus, n'oriente plus : elle autorise. Elle ne protège plus la vie des institutions qu'il s'agisse de la nation, de la famille, de l'université, mais donne à tout individu l'autorisation inconditionnelle d'y accéder. L'institution n'est donc plus protégée ni réglée par une loi opposable à l'individu; celui-ci jouit d'un droit inconditionnellement opposable à l'institution. Pierre Manent montre que cette perspective livre les éléments constituants de la vie humaine à une critique arbitraire et illimitée, privant la vie individuelle comme la vie sociale de tout critère d'évaluation. Une fois que sont garantis les droits égaux de faire telle action ou de conduire telle démarche, il reste à déterminer positivement les règles qui rendent cette action juste ou cette démarche salutaire pour le bien commun. La loi naturelle de la recherche du bien commun se confond avec la recherche des réponses à la question : comment orienter ou diriger l'action que j'ai le droit de faire ? "

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  • La communauté internationale n’existe pas !...

    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de Richard Millet, cueillie sur son site personnel et dans laquelle il évoque les réactions à l'attaque au gaz qui aurait été menée par l'armée syrienne contre le village de Khan Cheikhoun...

    Auteur de La confession négative (Gallimard, 2009) et de Tuer (Léo Scheer, 2015), Richard Millet vient de publier aux éditions Léo Scheer un roman intitulé Province.

     

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    La communauté internationale n’existe pas

    La « communauté internationale » s’indigne d’une attaque à l’arme chimique qui aurait fait, le 4 avril, plus de 80 morts parmi les habitants du bourg de Khan Cheikhoun, en Syrie, dans une zone « tenue par l’opposition », écrit le journal prostitutionnel Libération, qui « pointe » bien sûr le « régime » et publie en couverture une photo d’enfants qui seraient morts sous l’effet du gaz sarin. Ces enfants seraient-ils en couverture s’ils étaient morts sous des obus ou dans un attentat islamiste, comme c’est le cas chaque jour au Proche-Orient ? Méfions-nous des photos de presse, surtout à l’heure de Photoshop et de la propagande mondialisée. On a vu ce qu’il en était en Palestine, en Yougoslavie, au Kossovo, en Grèce… Les enfants font toujours des victimes spectaculaires, et le Spectacle doit continuer…

    Pour Kahn Cheikhoun, on s’en remet au seul témoignage de l’ « opposition », vocable qui donne l’impression qu’on parle d’un fief socialo-hamonien en Haute-Auvergne, alors qu’il englobe des islamistes sur les intentions desquels on ferme pieusement les yeux, puisque « rebelles », et de prétendus démocrates dont la position sur l’échelle de la démocratie post-athénienne oscille entre Erdogan et Kim Jong Un. Et on oublie que si Assad est un « dictateur », ce mot n’a pas le sens qu’on lui prête dans le discours dominant occidental, et que les peuples du Proche-Orient se moquent éperdument des mots-valises et, davantage, d’une démocratie qui présente comme un progrès « sociétal » l’avortement, l’euthanasie, le mariage homosexuel, la tolérance, la transparence, les droits des animaux, l’athéisme, etc. Si le gaz ne passe plus depuis Verdun et Auschwitz, ni le napalm depuis le Vietnam, les obus à sous-munitions, eux, semblent rencontrer, en Occident, une indifférence aussi grande que les attentats islamiques qui ravagent la région. Ce qui est particulièrement insupportable, pour nous, ce ne sont pas les photos (une guerre est une guerre, et il n’en est pas de « propre ») : c’est la monstration de ces clichés et l’utilisation d’enfants morts, tout comme il est obscène, pour un écrivain, d’écrire des livres sur la mort de son enfant, de sa maman ou de son père.

    Nul ne se demande, au moment où les Occidentaux se résignaient à laisser Assad en place, pourquoi le maître de Damas aurait lancé une telle attaque, laquelle pourrait être aussi bien le fait des « rebelles » islamistes qui ont tout intérêt à un nouveau revirement de la « communauté internationale » sur le président alaouite. Trump ayant trouvé là l’occasion de montrer sa force à Poutine, au moment où la bataille de Raqqa est imminente et où il s’agit de trouver un équilibre entre les puissances sunnites et chiites, on ne se demande pas davantage si garder Assad au pouvoir, ou dans un simulacre de pouvoir, ne serait pas encore un moindre mal. Raphaël Glucksmann et tous les indignés en costume Zara préfèrent ululer comme des chouettes aveugles.

    La « communauté internationale » n’existe pas. Tout comme la notion de « patrimoine de l’humanité », ou les « droits de l’homme », c’est un leurre politique – un slogan du marketing mondialiste, un syntagme journalistique, une expression onusienne destinée à diluer les responsabilités ou mettre au pilori les dirigeants incorrects politiquement. Ainsi la responsabilité de Bush dans le chaos irakien ne sera-t-elle jamais qualifiée de crime de guerre ; et Bush n’est plus qu’un sympathique retraité qui s’occupe de peinture… En revanche, on continue de s’époumoner contre Poutine, Orban, Kim Jong Un, et bien sûr Assad, comme on l’avait fait pour Saddam Kadhafi, Moubarak, Ben Ali, tout en se taisant sur le sort des chrétiens d’Orient et sur les exactions des émirs de la coalition arabe qui pilonne quotidiennement les Kahn Cheikhoun yéménites, et sur les dirigeants chinois, le satrape Mugabe, la momie Bouteflika. On ne dit rien non plus des criminels post-civilisationnels qui ont conduit au naufrage l’Education nationale et la littérature française…

    Ne pas appartenir à la « communauté internationale » n’est pas seulement un droit ; c’est un titre de gloire, et un devoir pour l’écrivain qui ne vote pas, qui refuse l’épidémie médiatique, qui appelle encore un chat un chat – et non un(e) chat(te) en attente d’orientation sexuelle -, et aussi pour tous ceux qui cherchent la vérité au-delà de l'information, qu’on présente comme garante de la « vie démocratique ». Cette  « vie »-là suppose une mort : celle de l’esprit, et non seulement sa dimension spirituelle mais aussi la liberté de penser.

    Richard Millet (Site officiel de Richard Millet, 7 avril 2017)

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  • Folie des droits de l'homme et évaporation de la politique...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Olivier Rey au Figaro Vox. Mathématicien et philosophe, chercheur au CNRS et enseignant en faculté, Olivier Rey est l'auteur de deux essais importants intitulés pour l'un Une folle solitude - Le fantasme de l'homme auto-construit (Seuil, 2006) et pour l'autre Une question de taille (Stock, 2014), et consacrés à la question du progrès et de la technique dans nos sociétés.

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    Entretien avec Olivier Rey

    FIGAROVOX. - Quand Élisabeth Guigou défendait le PACS, elle jurait que celui-ci n'ouvrirait pas la voie au mariage et à l'adoption des couples homosexuels. Or, récemment, la ministre de la Famille a décidé d'abroger une circulaire qui interdisait aux gynécologues de conseiller à leurs patientes une insémination à l'étranger. Pensez-vous que le mariage pour tous engendrera mécaniquement la PMA et la GPA?

    Olivier REY. - Concernant Élisabeth Guigou, il est difficile de savoir à quoi s'en tenir: elle a dit qu'elle était sincère au moment du PACS, avant d'évoluer en faveur du mariage. D'autres déclarations de sa part laissent cependant entendre que sa position en 1999 était essentiellement tactique. Les mêmes incertitudes se retrouvent aujourd'hui envers ceux qui ont affirmé que la loi Taubira n'impliquait rien concernant la PMA «pour toutes» ou la GPA. Ce qui est certain, c'est que les plus ardents promoteurs de cette loi visaient, à travers elle, un changement du droit de la famille et de la filiation. De ce point de vue, la Manif pour tous a eu un effet: par son ampleur elle a empêché, au moins provisoirement, la mise à feu du deuxième étage de la fusée.

    Pour l'heure, la démarche pour contourner les obstacles consiste à pratiquer le law shopping, c'est-à-dire à se rendre dans certains pays qui permettent ce qui est interdit ici, puis à réclamer de retour en France une régularisation de la situation. Si le phénomène prend de l'importance, on accusera le droit français d'hypocrisie, et on le sommera d'autoriser ce que de toute façon il entérine après coup. On pourra même invoquer le principe d'égalité, en dénonçant un «droit à l'enfant» à deux vitesses, entre ceux qui ont les moyens de recourir au «tourisme procréatif» et les autres.

    La plupart des acteurs politiques qui souhaitaient revenir sur le mariage pour tous ont fait machine arrière. Diriez-vous que les lois sociétales sont irréversibles?

    Cela dépend de l'échelle de temps à laquelle on se place. À court terme, le mouvement semble irréversible. À plus long terme, il est difficile de se prononcer. Depuis plusieurs décennies, nous surchargeons l'édifice social et juridique de tourelles postmodernes par ci, d'encorbellements rococos par là, sans nous préoccuper des murs porteurs qui n'ont pas été prévus pour ce genre de superstructures, et qui donnent d'inquiétant signes de faiblesse. Si les murs finissent par s'ébouler, toutes ces «avancées» dont on s'enchante aujourd'hui s'écrouleront.

    Nous sommes entrés dans une période de grandes turbulences, dont nous ne vivons pour l'instant que les prodromes. Nous aurons à faire face au cours de ce siècle à de gigantesques difficultés - écologiques, économiques, migratoires. Le «jour du dépassement», c'est-à-dire le jour où les ressources renouvelables de la terre pour l'année en cours ont été consommées, arrive toujours plus tôt - en 2016, dans la première quinzaine d'août. Autrement dit, notre richesse actuelle est fictive, elle est celle d'un surendetté avant la banqueroute. Lorsque les diversions ne seront plus possibles, nous nous rappellerons avec incrédulité que dans les années 2010, la grande urgence était le mariage pour tous. Cela paraîtra emblématique de l'irresponsabilité de ce temps. En fait, la polarisation sur les questions «sociétales» est une façon de fuir la réalité: se battre pour la PMA pour toutes ou la GPA, c'est aussi éviter de penser à ce à quoi nous avons à faire face.

    N'est-on pas aujourd'hui dans une extension infinie des «droits à» comme le «droit à l'enfant»? Cela ne risque-t-il pas d'enfreindre des libertés fondamentales comme les «droits de l'enfant»?

    Le discours des droits est devenu fou. Historiquement, l'élaboration de la notion de droits de l'homme est liée au développement des doctrines de contrat social, selon lesquelles, dans un «état de nature», les humains vivaient isolés, avant que les uns et les autres ne passent contrat pour former une société. Dans l'opération, les individus ont beaucoup à gagner: tout ce que l'union des forces et des talents permet. Ils ont aussi à perdre: ils doivent abdiquer une partie de leur liberté pour se plier aux règles communes. Qu'est-ce que les droits de l'homme? Les garanties que prennent les individus vis-à-vis de la société pour être assurés de ne pas trop perdre de cette liberté. Garanties d'autant plus nécessaires que les pouvoirs anciens, aussi impérieux fussent-ils, étaient plus ou moins tenus de respecter les principes religieux ou traditionnels dont ils tiraient leur légitimité. À partir du moment où l'ordre social se trouve délié de tels principes, il n'y a potentiellement plus de limites à l'exercice du pouvoir: à moins, précisément, qu'un certain nombre de droits fondamentaux soient réputés inaliénables. Comme l'a dit Bergson, chaque phrase de la Déclaration des droits de l'homme est là pour prévenir un abus de pouvoir.

    Depuis, la situation a connu un retournement spectaculaire. Les droits de l'homme, de cadre institutionnel et de sauvegarde des libertés individuelles face à d'éventuels empiètements de l'État, sont devenus sources d'une multitude de revendications adressées par les citoyens à la puissance publique, mise en demeure de les satisfaire. La Déclaration d'indépendance américaine cite trois droits fondamentaux: le droit à la vie, le droit à la liberté, le droit à poursuivre le bonheur. Mais aujourd'hui, ce dernier droit est compris par certains comme droit au bonheur. Dès lors, si quelqu'un, par exemple, estime indispensable à son bonheur d'avoir un enfant, alors avoir un enfant devient à son tour un droit, et tout doit être mis en œuvre pour y répondre.

    Au point où nous en sommes, la seule limite à laquelle se heurte l'inflation des droits tient aux conflits que leur multiplication entraîne. Par exemple: l'antagonisme entre le droit à l'enfant et les droits de l'enfant. C'est ainsi qu'au Royaume-Uni, il n'y a plus d'anonymat du donneur masculin pour les PMA, parce que les moyens mis en œuvre pour l'exercice du droit à l'enfant doivent respecter le droit de l'enfant à connaître ses origines. C'est la bataille des droits.

    Comment définir la limite entre le droit de poursuivre le bonheur et celui de l'avoir, entre les actions individuelles et l'intervention de la société et de l'État?

    Prenons l'exemple du droit qu'il y aurait, pour une femme seule ou pour deux femmes, d'aller à l'hôpital pour concevoir par PMA. Il ne s'agit pas d'obtenir de l'État la levée d'un interdit (la loi n'interdit à personne d'avoir un enfant), mais d'exiger de lui qu'il fournisse gratuitement à toute femme qui en fera la demande une semence masculine, qu'il se sera préalablement chargé de collecter en vérifiant sa qualité, et dont il aura effacé la provenance. Pourquoi fournirait-il un tel service? Pourquoi se substituerait-il à l'homme manquant? Pour des raisons médicales - comme le M de PMA le laisse entendre? Mais où est l'infirmité à pallier, la maladie à soigner?

    Ce mésusage du mot «médical» va de pair avec les emballements qu'on observe dans le discours des droits. Dans le préambule à sa Constitution, adoptée en 1946, l'Organisation mondiale de la santé définit la santé comme «un état de complet bien-être physique, mental et social, [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité». Comme de plus «la possession du meilleur état de santé qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être humain», on voit qu'une infinité de droits peuvent se réclamer d'un droit à la santé ainsi compris. En particulier, un droit à tout type d'«augmentation» et de procréation, dès lors que quiconque estime cette augmentation ou ce type de procréation nécessaires à son bien-être.

    À propos de la procréation techniquement assistée, il faut aussi tenir compte d'un fait: cette intervention technique autorise les diagnostics pré-implantatoires et rend envisageable la sélection d'un nombre croissant de caractères, qu'on voit mal certaines cliniques privées, dans des États accueillants, se priver de proposer. Dès lors, ceux qui conçoivent des enfants à l'ancienne pourront se sentir désavantagés par rapport à ceux qui recourent à ces procédés, et seront tentés eux-mêmes de les adopter. On voit le paradoxe: la modernité était habitée par un idéal de liberté de la personne. Mais la liberté devient un leurre quand chaque fonction vitale suppose, pour être remplie, l'allégeance à un système économico-technique hégémonique. C'est au tour de la procréation, demeurée scandaleusement sexuelle et artisanale jusqu'à aujourd'hui, d'être prise dans le mouvement.

    Il est possible d'acheter des enfants sur catalogue dans certains États en choisissant leurs prédispositions génétiques, comme la couleur de leurs yeux. En matière de progrès technique et sociétal, diriez-vous comme Einstein qu'il y a «profusion des moyens et confusion des fins»?

    Je pense à une chanson des Sex Pistols, ce groupe de punk anglais des années 1970. Dans Anarchy in the UK, le chanteur Johnny Rotten hurlait: «I don't know what I want, but I know how to get it» («Je ne sais pas ce que je veux, mais je sais comment l'obtenir»). Ça me semble emblématique de notre époque. Nous ne cessons de multiplier et de perfectionner les moyens mais, en cours de route, nous perdons de vue les fins qui mériteraient d'être poursuivies. Comme le dit le pape dans sa dernière encyclique, «nous possédons trop de moyens pour des fins limitées et rachitiques».

    Cette absorption des fins dans le déploiement des moyens des fins est favorisée par l'esprit technicien, qui cherche à perfectionner les dispositifs pour eux-mêmes, quels que soient leurs usages, une division du travail poussée à l'extrême, qui permet d'augmenter la productivité, et le règne de l'argent, qui fournit un équivalent universel et permet de tout échanger. Plus le travail est divisé, plus le lien entre ce travail et la satisfaction des besoins de la personne qui l'accomplit se distend. On ne travaille plus tant pour se nourrir, se loger, élever ses enfants etc. que pour gagner de l'argent. Cet argent permet certes ensuite d'obtenir nourriture, logement etc., mais, en lui-même, il est sans finalité spécifiée. C'est pourquoi, au fur et à mesure que la place de l'argent s'accroît, on désapprend à réfléchir sur les fins: «Je ne sais pas ce que je veux, mais je sais comment l'obtenir» - par de l'argent.

    Il ne s'agit pas de critiquer la technique, la division du travail ou l'argent en tant que tels, mais de se rendre compte qu'il existe des seuils, au-delà desquels les moyens qui servaient l'épanouissement et la fructification des êtres humains se mettent à leur nuire, en rétrécissant l'horizon qu'ils étaient censés agrandir.

    Le langage commun dit «on n'arrête pas le progrès». Est-ce vrai?

    Ce que désigne ici le mot progrès est le développement technique. Dans un régime capitaliste et libéral, orienté vers le profit, l'appât du gain ne cesse de stimuler ce développement, qu'on appelle désormais «innovation». Réciproquement, toute technique susceptible de rapporter de l'argent sera mise en œuvre.

    On pourrait penser que les comités d'éthique contrecarrent le mouvement. Tel n'est pas le cas. Jacques Testart (biologiste ayant permis la naissance du premier «bébé éprouvette» en France, en 1982, et devenu depuis «critique de science», ndlr) considère que «la fonction de l'éthique institutionnelle est d'habituer les gens aux développements technologiques pour les amener à désirer bientôt ce dont ils ont peur aujourd'hui». Ces comités sont là pour persuader l'opinion que les «responsables» se soucient d'éthique, et ainsi désarmer ses préventions. Quand une nouvelle technique transgressive se présente, le comité s'y oppose mais, en contrepartie, avalise d'autres techniques un tout petit peu moins nouvelles ou un tout petit peu moins transgressives. Finalement, les comités d'éthique n'arrêtent pratiquement rien, ils se contentent de mettre un peu de viscosité dans les rouages. Ils ont un rôle de temporisation et d'acclimatation.

    Dans le domaine environnemental, il y a aujourd'hui une certaine prise de conscience. Pourquoi cette prise de conscience dans le domaine écologique n'est-elle pas étendue au domaine sociétal?

    Le lien entre la destruction des milieux naturels et certaines actions humaines est flagrant, ou à tout le moins facile à établir. En ce qui concerne la vie sociale, beaucoup s'accorderont à penser que la situation se dégrade, mais les causes de cette dégradation sont multiples et les démêler les unes des autres est une entreprise ardue. Les initiatives «sociétales» jouent certainement un rôle, mais compliqué à évaluer, d'autant plus que leurs conséquences peuvent s'amplifier au fil des générations et, de ce fait, demander du temps pour se manifester pleinement. Dans ces conditions, il est difficile de prouver les effets néfastes d'une loi et, y parviendrait-on, difficile également de faire machine arrière alors que les mœurs ont changé.

    En matière d'environnement, la France a inscrit dans sa constitution un principe de précaution: lorsqu'un dommage, quoique incertain dans l'état des connaissances, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités doivent évaluer les risques et prendre des mesures pour prévenir ce dommage. Ce principe, sitôt adopté, a été détourné de son sens: on l'invoque à tort et à travers pour de simples mesures de prudence - ce qui permet de ne pas l'appliquer là où il devrait l'être. (On parle du principe de précaution pour recommander l'installation d'une alarme sur les piscines privées, mais on oublie son existence au moment de légiférer sur les pesticides ou les perturbateurs endocriniens qui dérèglent et stérilisent la nature.) L'expression «principe de précaution» mériterait de voir son usage restreint aux cas qui le méritent vraiment. En même temps, cet usage devrait être étendu aux mesures «sociétales», dont les effets sur le milieu humain peuvent être graves et irréversibles. La charge de la preuve doit incomber à ceux qui veulent le changement, non à ceux qui s'en inquiètent.

    On parle de plus en plus souvent du clivage entre le «peuple» et les «élites». Qui est à l'origine des lois sociétales? Est-ce la société dans son ensemble, le droit ne faisant que s'adapter, ou sont-ce au contraire les «élites» qui tentent de changer celle-ci par le truchement du droit?

    Je suis réservé à l'égard des partages binaires de l'humanité. Par ailleurs, il me semble que le problème central aujourd'hui tient moins à l'existence d'élites qu'au fait que les prétendues élites n'en sont pas. Je veux dire que certaines personnes occupent des places en vue ou privilégiées. Mais il suffit de les écouter parler ou d'observer leur comportement pour comprendre qu'elles constituent peut-être une caste, mais certainement pas une élite! Le risque aussi, à opposer frontalement «peuple» et «élites», est d'exonérer trop vite le peuple de maux auquel il collabore. Par exemple, les électeurs s'indignent à juste titre que ceux qu'ils élisent trahissent leurs promesses. Mais quelqu'un qui serait à la fois sensé et sincère serait-il élu?

    La vérité est que nous sommes tous engagés dans un gigantesque processus de planétarisation (je préfère ce terme à celui de mondialisation, car ce vers quoi nous allons n'a aucune des qualités d'ordre et d'harmonie que les Romains reconnaissait au mundus, traduction latine du grec cosmos). S'il y avait un partage pertinent de la population à opérer, ce serait peut-être celui-ci: d'un côté les ravis de la planétarisation - en partie pour le bénéfice qu'ils en tirent à court terme, en partie par aveuglement ; de l'autre les détracteurs de la planétarisation - en partie parce qu'ils en font les frais, en partie parce qu'ils voudraient que la possibilité de mener une vie authentiquement humaine sur cette terre soit sauvegardée.

    Il est indéniable que ce qu'on appelle aujourd'hui l'élite compte presque exclusivement des ravis de la planétarisation. Cela étant, ces soi-disant dirigeants dirigent très peu: leur rôle est d'accompagner le mouvement, de le favoriser, d'y adapter la société. C'est le sens, par exemple, du «En Marche!» d'Emmanuel Macron. En marche vers quoi? Peu importe, l'important est d'«aller de l'avant», même si cela suppose d'accentuer encore les ravages. Les lois sociétales participent de ce «marchisme». Par exemple, la famille à l'ancienne est un des derniers lieux de résistance au mouvement de contractualisation généralisée. Tout ce qui peut la démantibuler est donc bon à prendre, «va dans le bon sens».

    D'où est venu ce processus? Pourrait-il s'arrêter un jour?

    On décrit souvent la modernité comme un passage de l'hétéronomie - les hommes se placent sous l'autorité de la religion et de la tradition -, à l'autonomie - les hommes se reconnaissent au présent comme les seuls maîtres à bord. Un espace infini semble alors s'ouvrir aux initiatives humaines, tant collectives qu'individuelles. Mais libérer l'individu de ses anciennes tutelles, cela signifie libérer tous les individus, et l'amalgame de cette multitude de libertés compose un monde dont personne ne contrôle l'évolution, et qui s'impose à chacun. Comme le dit l'homme du souterrain de Dostoïevski, dans une formule géniale: «Moi, je suis seul, et eux, ils sont tous». L'individu est libre mais, à son échelle, complètement démuni face au devenir du monde. Le tragique est que c'est précisément la liberté de tous qui contribue, dans une certaine mesure, à l'impuissance de chacun. La politique se dissout dans un processus économique sans sujet. Comme l'a écrit Heidegger, nous vivons à une époque où la puissance est seule à être puissante. Ce qui ne veut pas dire que tout le monde soit logé à la même enseigne: il y a ceux qui se débrouillent pour surfer sur la vague, beaucoup d'autres qui sont roulés dessous.

    Ce processus est-il maîtrisable par une restauration politique?

    Politique vient de polis qui, en grec, désignait la cité. Pour les Grecs, les Perses étaient des barbares non parce qu'ils auraient été ethniquement inférieurs, mais parce qu'ils vivaient dans un empire. La politique ne s'épanouit qu'à des échelles limitées, au-delà desquelles elle dépérit. C'est pourquoi le grand argument qui a été seriné aux Européens, que leurs nations étaient trop petites pour exister encore politiquement et devaient transférer leur souveraineté à une entité continentale, où la politique retrouverait ses droits, a été une pure escroquerie. La politique n'a pas été transférée des nations à l'Union européenne, elle s'est simplement évaporée - à vrai dire tel était, sous les «éléments de langage» destinés à le masquer, le but recherché.

    La nation mérite d'être défendue parce que c'est la seule échelle où une vie politique existe encore un peu. En même temps, des nations comme la France, l'Allemagne ou le Royaume-Uni sont déjà trop grandes pour que la politique y joue pleinement son rôle. Dans les années 1850, Auguste Comte déplorait l'unification italienne comme un mouvement rétrograde, et pensait qu'à l'inverse, c'était la France qui aurait dû se diviser en dix-sept petites républiques (soixante-dix en Europe). Selon lui, c'était seulement après s'être ancrées dans une vie à cette dimension que les petites patries auraient été à même de se réunir de façon féconde, afin de traiter ensemble les questions qui outrepassent leur échelle.

    Aujourd'hui la Suisse, avec ses huit millions d'habitants et sa vie cantonale, est l'État européen où la démocratie est la plus vivace. Et historiquement, les cités de la Grèce classique, entre le VIe et le IVe siècle avant notre ère, ainsi que les cités-États italiennes de la Renaissance (Florence comptait moins de 100 000 habitants du temps de sa splendeur) constituent des réussites inégalées, qui montrent qu'en étant ouvertes sur le monde, des patries de petite taille sont capables de resplendir dans tous les domaines.

    Le problème est que même si beaucoup de petits États sont préférable à quelques gros, un gros État dispose d'un avantage: il est en mesure d'écraser un voisin plus petit. De là la tendance à la croissance en taille, quand bien même tout le monde, au bout du compte, devrait y perdre.

    Le processus inverse est-il possible? Peut-on imaginer que la petitesse devienne la norme?

    L'Autrichien Leopold Kohr (lauréat du prix Nobel alternatif en 1983) demeure malheureusement très méconnu. En 1957, dans son livre The Breakdown of Nations, il écrivait: «Il n'y a pas de détresse sur terre qui puisse être soulagée, sauf à petite échelle. […] C'est pourquoi par l'union ou par l'unification, qui augmente la taille, la masse et la puissance, rien ne peut être résolu. Au contraire, la possibilité de trouver des solutions diminue au fur et à mesure que le processus d'union avance. Pourtant, tous nos efforts collectivisés et collectivisants semblent précisément dirigés vers ce but fantastique - l'unification. Qui, bien sûr, est aussi une solution. La solution de l'effondrement spontané».

    Les choses étant ce qu'elles sont, je crains qu'il ne faille en passer par de tels effondrements. Quand je dis cela, je me fais traiter de Cassandre. Je rappellerai toutefois que dans la mythologie grecque, les mises en garde de Cassandre étaient toujours fondées, le problème étant que personne ne la croyait. Ainsi, malgré ses avertissements, les Troyens firent-ils entrer le cheval de bois dans leur ville. On ne peut pas dire que cela leur ait réussi. Par ailleurs, si les effondrements qui se préparent ont de quoi faire peur, car ils engendreront de nombreuses souffrances, la perspective n'est pas seulement négative: ils peuvent aussi être l'occasion pour les peuples d'échapper aux fatalités présentes, et de revenir à la vie.

    Olivier Rey, propos recueillis par Alexis Feertchak et Vincent Tremolet de Villers (Figaro Vox, 5 août 2016)

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  • En finir avec la religion des droits de l'homme !...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Jean-Louis Harouel au Figaro Vox et consacré au débat sur la question de l’État de droit que les derniers attentas terroristes islamistes ont suscité. Agrégé de droit, Jean-Louis Harouel est professeur émérite de l'Université Panthéon-Assas et vient de publier Les droits de l'homme contre le peuple (Desclée de Brouwer, 2016).

     

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    Pour combattre l'islamisme, en finir avec la religion des droits de l'homme

    Après l'attentat de Nice qui a fait plus de 80 morts et l'assassinat sauvage d'un prêtre en pleine messe de Saint-Etienne-du-Rouvray par des islamistes, le débat politique porte désormais sur la question de l'Etat de droit. C'est justement le thème de votre livre: Les droits de l'homme contre le peuple

    De fait, alors que les droits de l'homme sont la seule identité que nos gouvernants veuillent bien aujourd'hui revendiquer pour la France, ils sont devenus depuis quelques décennies une véritable religion séculière obsédée de non-discrimination et destructrice des nations, qui handicape mortellement notre pays dans sa confrontation avec l'islam de masse installé sur son sol. Longtemps niée par les responsables politiques au pouvoir, cette situation catastrophique est enfin reconnue sous l'effet brutal des récents massacres commis au nom de l'islam.

    Dans un entretien au Monde, Nicolas Sarkozy affirme: «Si les démocratie ne défendent pas les citoyens, les citoyens se défendront de la démocratie». L'Etat de droit est supposé protéger les Français. Aujourd'hui paradoxalement les met-il en danger?

    N'en déplaise à Nicolas Sarkozy, ce qui est en cause ici, ce n'est pas la démocratie, mais au contraire un déficit de démocratie, dont il est d'ailleurs lui-même largement responsable. La démocratie libérale consiste dans la souveraineté du peuple combinée avec les libertés publiques garantissant les citoyens contre d'éventuels excès d'autorité des gouvernants. Or, aujourd'hui, ce n'est plus le peuple qui est souverain, ce sont les dogmes de la religion des droits de l'homme, mortifère pour les peuples européens.

    La fonction de la démocratie est d'assurer à un peuple la maîtrise de son destin, de son territoire, de son identité, de son contenu humain, de ses grands choix de société. Or, sur tous ces points, si l'ont met à part la Grande-Bretagne, il y a belle lurette que les peuples d'Europe occidentale ne sont plus en démocratie, à la notable exception du peuple helvétique.

    De manière fallacieuse, ce que l'on baptise maintenant démocratie, c'est le règne de la religion séculière des droits de l'homme dont les diktats souvent délirants sont imposés aux peuples européens — via leurs élus et leurs gouvernants sans consistance — par la bureaucratie de Bruxelles et par les divers juges nationaux et supranationaux auto-investis d'une fonction prophétique leur permettant de «découvrir» sans cesse de nouveaux «droits fondamentaux» aux effets pro-catégoriels, destructeurs de ce qui reste de cohésion, de sécurité des personnes et des biens, et de valeurs de durée dans les sociétés européennes.

    C'est parce qu'on a traité les peuples européens en mineurs sous tutelle incapables de savoir ce qui est bon pour eux que l'on a laissé se développer une présence islamiste aussi massive, que notre arsenal juridique est aussi inadapté à la réalité et que les autorités françaises sont aujourd'hui si désemparées face au déchaînement de la violence djihadiste. En conséquence, le retour à la protection des citoyens passe par le retour à une démocratie véritable.

    Dans votre livre, vous sous-entendez que les islamistes se servent des droits de l'homme pour mieux accroître leur influence en Europe et singulièrement en France. Comment?

    Longtemps, les droits de l'homme se sont confondus dans la pratique avec les libertés publiques des citoyens au sein des États-nations démocratiques. Avec le passage à la religion séculière des droits de l'homme, il y a eu à partir du milieu du siècle dernier un véritable changement de nature qui se marque dans la langue anglaise par l'antithèse rights of man/human rights, dont le second terme a correspondu en France à ce qu'on appelle les «droits fondamentaux», notion introduite dans les années 1970 et dont les grands bénéficiaires sont les étrangers. L'islam en a profité à plein pour installer en France, au nom des droits de l'homme et sous leur protection, la civilisation musulmane, ses mosquées et ses minarets, ses modes de vie, ses prescriptions et interdits alimentaires, ses comportements vestimentaires, voire ses règles juridiques en violation du droit français: mariage religieux sans mariage civil, polygamie, répudiation unilatérale d'une épouse par le mari, etc.

    À travers une foule de revendications identitaires téléguidées par eux, les milieux islamistes et notamment l'UOIF (Union des organisations islamistes de France) ont instrumentalisé les droits de l'homme pour appesantir leur contrôle sur les populations originaires du nord de l'Afrique et les contraindre au respect de l'ordre islamique, faisant en particulier tout leur possible pour empêcher les jeunes nés en France — auxquels nous avions commis l'erreur d'attribuer massivement la nationalité française — de devenir sociologiquement des Français.

    Dans un communiqué transmis au journal Corse Matin, le mouvement clandestin nationaliste, FLNC, menace les islamistes radicaux d' «une réponse déterminée» et estime que l'État français aurait «si un drame devait se produire chez nous (...), une part importante de responsabilité». Que cela vous inspire-t-il?

    Une certaine inquiétude, car des représailles privées n'arrangeraient sans doute rien, bien au contraire. En même temps, cette mise en garde montre que la force du sentiment identitaire donne à un groupe une combativité indispensable pour gagner une guerre. Or, de manière tragique pour la France, tout a été fait depuis un demi-siècle pour y détruire le sentiment identitaire, pour y interdire tout amour du pays, toute fierté d'être français. Les jeune générations n'ont entendu parler que de culpabilité de la France, de repentance, d'amour de l'autre jusqu'au mépris de soi. Notre Éducation nationale est non seulement médiocre et déculturée: elle impose sur le mode de la propagande une éducation anti-nationale.

    Tous les jeunes Français devraient savoir que l'élément fondateur de l'identité européenne a été historiquement son ancrage dans la chrétienté et son refus obstiné de basculer dans le monde islamique. L'Europe n'a pu exister et avoir le destin brillant qui fut le sien durant des siècles que grâce à son rejet farouche de l'islam. C'est ainsi qu'elle a pu s'arracher aux conceptions théocratiques — dont relève l'islam — et construire non sans peine cette disjonction du politique et du religieux qu'on appelle en France laïcité, dont l'origine se trouve dans la célèbre parole christique: «Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu».

    L'ancien président de la République propose d'adapter l'Etat de droit. Le risque n'est-il pas d'aller trop loin? Comment placer le curseur entre préservation des droits individuels et nécessité de nous défendre collectivement?

    Le problème est que nous ne sommes plus dans le cas d'un État-Nation culturellement homogène, qui est l'organisation politique d'un peuple. Il y a eu pour une part importante changement de peuple. Si bien que la «communauté nationale» dont on nous rebat les oreilles n'est plus qu'une fiction. La vérité est que trop souvent, sur le territoire de la France, nous sommes deux peuples, deux civilisations face à face. Et il est légitime que le peuple autochtone préserve sa survie en restant maître de son pays.

    Certains proposent la mise en place d'un «Guantanamo à la française». On ne peut pas dire que cela a été une réussite pour les Etats-Unis, même d'un strict point de vue sécuritaire…

    Une chose est sûre: un groupe humain ne peut pas se battre efficacement contre un ennemi implacable en tolérant dans son sein la présence d'éléments par lesquels il est en droit de craindre d'être combattu de l'intérieur. Pendant la Seconde guerre mondiale, à la suite de Pearl Harbour, les États-Unis avaient enfermés dans des camps leurs ressortissants d'origine japonaise. La chose est aujourd'hui très critiquée au nom des droits de l'homme, mais dans le contexte de l'époque, elle a paru indispensable et légitime.

    Il y a en outre d'autres pistes telles que l'incrimination de comportements hostiles, les condamnations pour intelligence avec l'ennemi, trahison, l'interdiction de séjour sur le territoire national, la déchéance de nationalité (pas seulement pour des bi-nationaux), le retour à la mort civile, l'expulsion. Il faut pour cela passer outre aux interdits de la Cour européenne des droits de l'homme qui refuse qu'on puisse faire un apatride. À quoi on peut au demeurant rétorquer que les islamistes méprisent les nations particulières et ne se réclament que de la nation musulmane mondiale: l'oumma.

    Le succès de l'islamisme, notamment auprès de jeunes qui sont nés en France, révèle une profonde crise de civilisation. Si à court terme la réponse sécuritaire peut-être une solution, sera-t-elle suffisante à long terme? Que faire?

    Il y a effectivement deux problèmes distincts: d'une part l'horreur spectaculaire des massacres perpétrés par des djihadistes ; et d'autre part le processus silencieux et occulté de la conquête islamiste dont je fais état dans Les droits de l'homme contre le peuple. Il ne fait pas de doute que dans le projet islamiste, l'Europe occidentale est redevenue une terre à prendre, une proie pour l'islam. Les islamistes pensent que le moment est venu pour les musulmans de reprendre une conquête de l'Europe occidentale rejetée il y a un millénaire par la vigoureuse résistance des Européens. Professeur d'histoire du Maghreb contemporain, Pierre Vermeren observe que de nombreuses mosquées créés en France ont reçu un nom évocateur de l'idée de la conquête par l'islam.

    Face à ce processus de conquête, le premier devoir des États européens est d'y mettre enfin un coup d'arrêt. L'Europe se doit de bloquer immédiatement l'immigration et la venue de réfugiés. Le devoir des dirigeants européens est de faire savoir que l'Europe ne peut pas accueillir un seul musulman de plus, vu la dangerosité pour elle de la présence islamiste, qu'il s'agisse des attentats ou de la mécanique conquérante. Les pays européens doivent dire clairement que les réfugié musulmans ont vocation à être accueillis par des pays musulmans, que c'est à l'Arabie saoudite et autres richissimes monarchies pétrolières de les accueillir, ou à défaut de financer leur accueil par d'autres États musulmans.

    Quant aux musulmans déjà présents sur le sol européen, il faut bien qu'ils aient conscience que, malgré la liberté des cultes pratiquée en Europe, l'islam politique n'y est pas légitime. Elle n'est pas légitime car elle est un système politique et juridique qui viole la disjonction du politique et du religieux qui fonde la civilisation européenne. Et elle n'est pas légitime à cause de son refus de la liberté de pensée, de l'infériorité qu'elle inflige aux femmes et aux non-musulmans, de la caution qu'elle apporte à l'esclavage, des appels à la violence qui figurent dans ses textes saints.

    Toutes ces vérités, les dirigeants européens ne sont certes pas prêts à les dire car la religion séculière des droits de l'homme leur défend de le faire. Et pourtant, ils y seront peut-être un jour acculés par la violence djihadiste.

    Tôt ou tard, interviendra sans doute un massacre encore plus terrible commis par des islamistes. Ce sera le massacre de trop. Et alors, les dirigeants français seront bien obligés la démolition des mosquées salafistes, la dissolution des organisations de cette mouvance, l'expulsion des prédicateurs étrangers, la construction de forteresses militaires pour contrôler les quartiers dominés par l'islamisme.

    Étrangement, la monstruosité même du terrorisme dont l'islamisme flagelle aujourd'hui la France lui permettra peut-être d'inverser le processus de la conquête islamique.

    Jean-Louis Harouel, propos recueillis par Alexandre Devecchio (Figaro Vox, 29 juillet 2016)

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  • Pourquoi il faut sortir de la Cour européenne des droits de l'homme...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du Groupe Plessis, un groupe de hauts fonctionnaires en activité, cueilli sur le site du Figaro Vox et consacré au rôle néfaste de la Cour européenne des droits de l'homme.

     

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    Cour européenne des droits de l'homme : pourquoi en sortir est un impératif démocratique

    Le référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne est imminent. Nous saurons bientôt si les Britanniques feront le choix de se libérer de cette envahissante, et surtout inefficace, technostructure ou si les pressions et les menaces auront raison de l'esprit d'indépendance de ce grand peuple européen. On ne peut, nous Français qui avons vu notre «Non» au référendum de 2005 sur la constitution européenne bafoué en 2008 par la ratification parlementaire du traité de Lisbonne, qu'être envieux de la liberté ainsi donnée aux Britanniques de choisir démocratiquement leur avenir. Un «leave» suffirait-il néanmoins à faire réagir nos dirigeants pour remettre l'Union en état de marche et faire en sorte qu'elle respecte les Etats ou, au contraire, encouragera-t-il les fanatiques de Bruxelles et du détricotage des nations à une fuite en avant fédéraliste?

    Quel que soit le résultat, il ne faut pas oublier qu'une instance plus discrète, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) est certainement l'autre pierre d'achoppement pour ceux qui espèrent que notre propre pays puisse un jour recouvrer sa souveraineté, c'est-à-dire la maîtrise de ses lois et de son destin. Et c'est d'ailleurs David Cameron lui-même qui envisageait en 2014 de sortir de la CEDH pour «rétablir la souveraineté à Westminster»!

    La CEDH, difficilement identifiable pour les non-initiés dans la jungle des institutions européennes fait partie de cette nébuleuse qu'est le Conseil de l'Europe (47 pays membres), la confusion devant être évitée avec la Cour de justice de l'Union européenne qui relève de l'Union à 28. La CEDH, dont le siège est à Strasbourg, est chargée de contrôler le respect de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (convention EDH), adoptée en 1950, ratifiée tardivement par la France en 1974 et dont la jurisprudence a pris un essor considérable avec la généralisation, en 1998, du recours individuel.

    La CEDH exerce une influence considérable sur notre droit. C'est ainsi, pour prendre quelques exemples récents,

    que la CEDH a imposé à la France de revenir sur l'interdiction des syndicats dans les armées. Elle a également imposé la présence d'un avocat dès le début de la garde à vue, compliquant singulièrement le travail de la police et confirmant ainsi qu'elle estimait la procédure plus importante que l'efficacité policière. L'article 8 de la convention EDH (respect de la vie privée et familiale) est utilisé comme une arme massive, et très efficace, contre la politique d'expulsion des étrangers en situation irrégulière et pour faciliter le regroupement familial. Dans le domaine ô combien sensible de la famille et de la filiation, la CEDH ne se prive pas non plus d'intervenir, prenant de court le législateur en imposant à l'Etat de reconnaître la filiation des enfants nés de mères porteuses à l'étranger, ouvrant la voie à tous les trafics. Dans la lutte contre le terrorisme, la Cour s'est illustrée par des décisions aberrantes, empêchant l'expulsion ou l'extradition de terroristes patentés au motif qu'il pourrait subir dans leur pays de destination «des traitements inhumains ou dégradants»!

    Un juge azerbaidjanais, albanais, moldave, géorgien ou turc, pour citer des ressortissants de pays réputés pour leur respect des droits de l'homme…, a ainsi une influence sur le droit français que pourraient leur envier bon nombre de nos parlementaires! Mais il est vrai aussi, et c'est peu connu, que le véritable élément moteur est l‘administration elle-même de la CEDH, le «greffe», qui prépare les décisions. Peuplé de militants, on reconnaît leur marque dans une jurisprudence qui privilégie une vision «progressiste» de la société: refus des frontières, défiance vis-à-vis des Etats, culte de la non-discrimination, primat de l'intérêt du délinquant sur celui de la victime, de la revendication individuelle sur l'intérêt collectif, de la procédure sur la décision et l'action, libertarisme moral…

    On note d'ailleurs que la CEDH paraît étrangement bien plus efficace quand il s'agit de s'acharner juridiquement sur les pays occidentaux, qui jouent le jeu, que lorsqu'il s'agit d'exercer sa vocation initiale envers d‘autres pays membres du Conseil de l'Europe où persistent, pour le coup, de véritables atteintes au noyau dur des droits de l'homme (tortures, assassinats politiques, élections truquées…).

    L'influence de la CEDH ne cesse de croître, avec l'interprétation de plus en plus libre (ce qu'elle appelle une «interprétation évolutive») d'un texte fondateur conçu à l'origine comme un rempart contre les dérives totalitaires, pour aboutir à des décisions qui n'ont plus qu'un lien très ténu avec ce texte et même avec un quelconque droit de l'homme. Parée des vertus faciles de protectrice des droits fondamentaux, la CEDH est ainsi devenu un objet étrange, à la fois législateur et cour suprême, ce qui n'est pas sans évoquer une sorte de Parlement d'Ancien Régime à l'échelle européenne, fonctionnant par des «arrêts de règlement» qui s'apparentent à de véritables diktats politiques.

    Auto-proclamée gardienne de l'ordre public européen, la CEDH paraît donc saisie de démesure, comme toutes les institutions non contrôlées (on sait depuis Montesquieu qu'un pouvoir doit être limité par un autre pouvoir). Dans une démocratie, c'est en effet au législateur, et non au juge, a fortiori à un juge étranger, qu'il appartient de définir l'intérêt collectif. La CEDH, qui fait désormais intrusion au cœur même de la légitimité politique, pose donc un véritable problème démocratique

    Cela ne s'est pas fait sans la complicité des tribunaux français, administratifs et judiciaires, qui ont trouvé dans l'application directe de la convention EDH et de la jurisprudence de la CEDH, le moyen de contourner la loi et d'accroître leurs marges de manœuvre, faisant de cette convention une sorte de constitution bis. Cette autonomisation du juge français par rapport au législateur était manifeste dans un arrêt récent (31 mai 2016) du Conseil d'Etat qui, en écartant d'un revers de main la loi française pourtant explicite, a souverainement autorisé l'exportation vers l'Espagne de gamètes congelées du mari défunt d'une requérante, au nom du respect de sa vie privée et familiale.

    Le droit national, pouvoir législatif et pouvoir réglementaire confondus, est ainsi cerné: par la jurisprudence de la CEDH, par les tribunaux français mettant en œuvre à la fois cette jurisprudence et leur propre interprétation de la convention, sans parler naturellement, dans d'autres domaines, des textes émanant de l'Union européenne, dont la Cour de justice adopte d'ailleurs dans sa jurisprudence beaucoup des positions de la CEDH, Union européenne qui a aussi vocation, selon le traité de Lisbonne, à adhérer à la convention EDH, ce qui complétera la manœuvre d'encerclement et achèvera de soumettre le droit français à la fatale étreinte du boa constrictor.

    Se dégager de cette étreinte est désormais une priorité si, d'un point de vue opérationnel, l'on veut retrouver des marges de manœuvres s'agissant notamment de la lutte contre l'immigration ou le terrorisme, mais surtout, si, d'un point de vue symbolique et politique, on veut redonner à la France son autonomie juridique. Certes, la CEDH a pu permettre, c'est indéniable, certaines avancées en matière de protection des droits. Mais notre pays dispose des instruments nécessaires au respect des droits de l'homme, dont les principes figurent dans notre «bloc de constitutionnalité», et particulièrement dans la déclaration de 1789, leur respect étant notamment assuré aujourd'hui par le mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

    Force doit être maintenant de reconnaître que le droit issu de la convention européenne n'est plus celui auquel la France avait adhéré en 1974. Face à l'emballement de cette machine, peu de solutions s'offrent à nous: abdiquer et subir, renégocier le fonctionnement de la Cour dans le cadre du Conseil de l'Europe mais cela paraît très improbable, sortir de la convention EDH, ce qui n'exclut pas d'ailleurs une négociation ultérieure, plus simple, pouvant par exemple tendre à faire de la CEDH une instance consultative. Contrairement à certaines idées reçues, quitter la CEDH est juridiquement tout à fait possible: l'article 58 permet de dénoncer la convention EDH «moyennant un préavis de six mois, donné par une notification adressée au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe». Mais la question n'est pas tant juridique que politique. Le vrai sujet, c'est de trouver la volonté politique de se libérer de ce carcan, c'est la place que l'on veut redonner à la souveraineté nationale qui, selon l'article 3 de notre constitution, «appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum.»

    Groupe Plessis (Figaro Vox, 21 juin 2016)

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